mardi 19 mars 2013

Baba, raconte-moi le 23 Mars


  Le 17 Mars alors que j’étais en conversation avec mes parents sur le militantisme et spécifiquement sur  le mouvement du 20 février…Mon papa ‘Baba’ me dit qu’il faudrait penser à commémorer le 23 Mars.  Je lui ai alors demandé de me raconter ce qui s’y était passé.
Dès qu’il a commencé son récit des souvenirs d’articles lus sur ce sujet ressurgirent en moi .

Le 23 Mars, une date qui  a marqué les générations  précédentes et méconnue par les générations d’après
Le 23 Mars, une date qui a donné son nom à un soulèvement du peuple, une section du syndicat national des lycéens (non reconnu par le régime), à un mouvement
Le 23 Mars, symbole de la force du peuple, de son unité pour lutter contre la déception et le désespoir face au régime !
Le 23 Mars une date à commémorer chaque année.

Que s’est-il passé il ya 48 ans ?
Tout avait commencé début mars 1965 quand une circulaire du ministre de l’Education nationale, datée de Mars 1965, prescrivit  l’interdiction d’accès  aux lycées pour les élèves âgés de plus de 17ans et leur orientation obligatoire vers l’enseignement technique sur fond de crise économique.
Dès que la nouvelle est connue à Casablanca, les lycéens descendirent la rue, rejoints plus tard par des chômeurs, des passants, des habitants de bidonvilles… Mais cette manifestation là ne fut pas pacifique : des vitrines de magasins volèrent en éclats, des voitures et des autobus furent incendiés. Ils se retrouvèrent rapidement devant les forces de l’ordre. La police tira, et la manifestation devint émeute.
Des chars d’assaut et des centaines de camions chargés de troupes convergeaient sur Casablanca.
La nuit venue, dans les rues désertées, les soldats ramassèrent les cadavres et les enfouirent dans d’anonymes fosses communes.
L’aube ralluma l’émeute. Les slogans vouaient leur haine au roi : Hassan II l’assassin, Hassan le tyran.. Il fallut trois jours pour mater la ville, puis encore plus pour ramener l’ordre à Rabat et Fès où les étudiants s’étaient soulevés aussi.
D’après la presse internationale, le bilan était de plusieurs centaines de morts, mais d’après les autorités marocaines, une dizaine.
Combien de victimes au total ? Jamais, dans l’histoire moderne, une répression n’avait fait autant de morts si jeunes.  Seules les fosses communes en savent le chiffre exact.

De nos jours, un nouveau mouvement de contestation marocaine a vu le jour,  c’est le mouvement du 20F, qui remet en cause le fonctionnement du régime et revendique droits et libertés au peuple marocain.  C’est une organisation en pleine ébullition sociale. Sa flamme assoiffée  de changement est encore plus ravageuse et attire de plus en plus de jeunes désespérés. Mais au Maroc d’aujourd’hui où la majorité de sa jeunesse ne se préoccupe plus de son environnement, se contente du peu qu’elle a, croit à l’illusion du Maroc démocratique, du Maroc développé et où la majorité des citoyens(les plus démunis entre eux) voient en la monarchie l’Héro qui les sauvera, voient en le roi  la personne qui transformera leur vie. Le mouvement  se retrouve alors face à des personnes refusant n’importe quel changement venant de la rue, du peuple et sont prêts à tout faire pour protéger le symbole du Maroc qui est pour eux le roi : le roi sauveur, le roi du peuple, le roi سيدنا,  le roi commandeur des croyants.
 Le m20F est venu aussi pour dénoncer toutes les pratiques et magouilles qui se passent derrière les écrans télés : Des personnes du pouvoir avides du pouvoir, abusant des plus pauvres, épuisant les potentialités économiques et intellectuelles  du pays. Il est aussi là pour bâcler la terre à la recherche de la vérité, à la recherche de personnes qui ont osé parler et qui se sont retrouvées emmurées, il a fait apparaitre de nouveaux personnages : le roi voleur, le roi abuseur, le gouvernement puiseur. Le mouvement du 20F crie à une vie digne, libre et juste pour le peuple marocain.
Nous venons de fêter le second anniversaire du 20 février et le combat n’est pas prêt d’être terminé !

Le désespoir et la déception face aux régimes ne date pas d’hier, le gouvernement ne suit pas l’évolution des besoins du peuple.  Le 23Mars, il n’y avait pas de moyens de communication, pas d’anticipation, les cœurs ont suivi le mouvement, je ne dis pas tel un troupeau, mais j’insiste sur le fait que le peuple était solidaire, et sa voix ne formait qu’une, face au désarroi !  Ce n'était pas une révolution au sens intellectuel ou idéaliste du terme. Il s'agissait d'une révolte sociale, d’un soulèvement du peuple. Le 20 février est plutôt guidée et approuvée par une élite sociale, une élite qui a su entrevoir la répression du gouvernement, l’autorité qu’il exerce et souhaite s’en libérer.
L’histoire du Maroc est riche de militantisme, de soulèvements, de répression. Cela ne devrait pas refléter un caractère instable du Maroc, mais plutôt la citoyenneté incomparable des marocains.

                                                                   El Mossadeq, Layla

               Notre ami le roi. Gilles Perrault





Dans les Mémoires du philosophe Med Abed Jabri :

« Le défunt souverain se serait exclamé : Mais pourquoi s'en sont-ils pris à Hassan II et non à Youssef Belabès(ministre de l’éducation nationale en 65), auteur de la circulaire ? -

"Probablement, Votre Majesté, parce qu'ils savent que nul au sein du gouvernement n'est à tenir pour responsable de quoi que ce soit ! » aurait alors répondu feu Bouabid.