lundi 2 mars 2015

Tortionnaire honoré


Et c'est comme cela qu'on apprend que la France décore Mr Abdellatif Hammouchi. Directeur de la DGST marocaine -Direction Générale de la Surveillance du Territoire-, accusé de torture et de complicité de torture par 9 ONG. Cette décoration vient dans un élan de conciliation entre Paris et Rabat (ou plutôt entre les services de renseignement français et marocains) qui sont tendues depuis un an. Mais comme nous dirait Mr Mustapha El Khalfi -ministre de la communication et porte parole du gouvernement marocain- “on est tous clairs dessus et le passé est aux historiens”(https://www.youtube.com/watch?v=28wlWAZM5HM).

La brouille a commencé il y a un an de cela lorsqu'un juge français a fait délivrer à la résidence de l’ambassadeur du Maroc à Paris (Neuilly) une convocation visant Abdellatif Hammouchi mis en cause dès lors dans une plainte pour complicité de torture. Le gouvernement marocain a vécu cet acte comme une atteinte à sa souveraineté et a immédiatement suspendu sa coopération judiciaire avec Paris, réclamant une remise à plat du cadre de leur coopération. Et s'ajoutent à cet incident diplomatique la fouille injustifiée du ministre marocain des affaires étrangères Salaheddine Mezouar à Paris-Roissy en mars dernier, et les propos de Gérard Araud -ambassadeur de la France aux Nations Unies- pour qui le maroc est “une maîtresse avec laquelle on dort toutes les nuits, dont on n'est pas particulièrement amoureux mais qu'on doit défendre.”

Le mal est fait et pour rétablir les erreurs, la réhabilitation de Mr Hammouchi est un passage obligatoire pour apaiser les tensions franco-marocaines, rendant ainsi l'estime à “l'homme qui a fait de la DST un acteur de la lutte anti-terroriste dans le monde” ,selon la couverture de Maroc Hebdo de ce mois-ci, n°1106.

Et les accusations de torture dans tout cela? Vont-elles être occultées?
Effectivement, par cette décoration la France porte une banalisation des accusations déposées par 9 ONG, brandissant une carte blanche aux tortionnaires marocains et claquant la porte aux nez des victimes qui voyaient dans la justice française un espoir d'équité.

D'ailleurs, ont suivi l'annonce de décoration de Mr Hammouchi, l'arrestation et l'expulsion de deux journalistes de France TV du siège de l'Association Marocaine des Droits de l'Homme à Rabat où ils tournaient un reportage, et également la convocation de l'ACAT (Association des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture) à Rabat pour diffamation et outrage envers les corps constitués.

De plus, il n'est pas sans nier que la France n'a jamais soutenu les mouvements de lutte au Maroc. Si la France a un ami, c'est bien le “makhzen” marocain même si pour ce faire, cela coûterait la liberté et les droits d'un peuple. Pourquoi? Tout n'est que question de bénéfices et des intérêts communs qu'ont ces deux pays (renseignements, économie, politique). Relents néocolonialistes ou colonisateurs toujours enracinés, on se demande comment aux yeux de plusieurs le gouvernement français peut continuer à être le défenseur ou le représentant des droits et des libertés...

Les dirigeants des gouvernements ont des bénéfices qui valent bien plus que la dignité humaine. Devrions-nous nous opposer ou  juste être spectateurs de ce jeu de « grands »?
Si ce dernier est le cas, laissez-moi donc féliciter Mr Hammouchi pour cette légion d'honneur accordée par le "pays des lumières", et laissez-moi vous inviter à danser avec moi sur les rythmes des cris étouffés de toutes les victimes de torture.


« Vous qui, il y a quelques semaines, pour la liberté d'expression étiez Charlie,

Où étiez-vous quand on a escamoté de votre sol El Mehdi*,

Et où serez-vous quand votre gouvernement décorera Hammouchi ? ».


*El Mehdi Ben Barka : enlevé à Paris le 29 Octobre 1965.


El Mossadeq Layla, le 2 Mars 2015



Pour en savoir plus:
Affaire Zakaria Moumni: http://fr.wikipedia.org/wiki/Zakaria_Moumni

https://www.youtube.com/watch?v=D_cSRdg5pE4

LDH: http://www.ldh-france.org/maroc-neuf-ong-inquietes-mesures-dintimidation-exercees-contre-les-victimes-tortures-ong-les-represente/

Amnesty: http://diasporasaharaui.blogspot.fr/2015/02/le-maroc-epingle-par-amnesty-et-des-ong.html

Mediapart (ACAT): http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/010315/france-maroc-la-legion-du-deshonneur

Concernant les deux journalistes de France TV : http://www.leparisien.fr/international/deux-journalistes-francais-arretes-au-maroc-et-expulses-vers-la-france-15-02-2015-4536077.php






mardi 19 mars 2013

Baba, raconte-moi le 23 Mars


  Le 17 Mars alors que j’étais en conversation avec mes parents sur le militantisme et spécifiquement sur  le mouvement du 20 février…Mon papa ‘Baba’ me dit qu’il faudrait penser à commémorer le 23 Mars.  Je lui ai alors demandé de me raconter ce qui s’y était passé.
Dès qu’il a commencé son récit des souvenirs d’articles lus sur ce sujet ressurgirent en moi .

Le 23 Mars, une date qui  a marqué les générations  précédentes et méconnue par les générations d’après
Le 23 Mars, une date qui a donné son nom à un soulèvement du peuple, une section du syndicat national des lycéens (non reconnu par le régime), à un mouvement
Le 23 Mars, symbole de la force du peuple, de son unité pour lutter contre la déception et le désespoir face au régime !
Le 23 Mars une date à commémorer chaque année.

Que s’est-il passé il ya 48 ans ?
Tout avait commencé début mars 1965 quand une circulaire du ministre de l’Education nationale, datée de Mars 1965, prescrivit  l’interdiction d’accès  aux lycées pour les élèves âgés de plus de 17ans et leur orientation obligatoire vers l’enseignement technique sur fond de crise économique.
Dès que la nouvelle est connue à Casablanca, les lycéens descendirent la rue, rejoints plus tard par des chômeurs, des passants, des habitants de bidonvilles… Mais cette manifestation là ne fut pas pacifique : des vitrines de magasins volèrent en éclats, des voitures et des autobus furent incendiés. Ils se retrouvèrent rapidement devant les forces de l’ordre. La police tira, et la manifestation devint émeute.
Des chars d’assaut et des centaines de camions chargés de troupes convergeaient sur Casablanca.
La nuit venue, dans les rues désertées, les soldats ramassèrent les cadavres et les enfouirent dans d’anonymes fosses communes.
L’aube ralluma l’émeute. Les slogans vouaient leur haine au roi : Hassan II l’assassin, Hassan le tyran.. Il fallut trois jours pour mater la ville, puis encore plus pour ramener l’ordre à Rabat et Fès où les étudiants s’étaient soulevés aussi.
D’après la presse internationale, le bilan était de plusieurs centaines de morts, mais d’après les autorités marocaines, une dizaine.
Combien de victimes au total ? Jamais, dans l’histoire moderne, une répression n’avait fait autant de morts si jeunes.  Seules les fosses communes en savent le chiffre exact.

De nos jours, un nouveau mouvement de contestation marocaine a vu le jour,  c’est le mouvement du 20F, qui remet en cause le fonctionnement du régime et revendique droits et libertés au peuple marocain.  C’est une organisation en pleine ébullition sociale. Sa flamme assoiffée  de changement est encore plus ravageuse et attire de plus en plus de jeunes désespérés. Mais au Maroc d’aujourd’hui où la majorité de sa jeunesse ne se préoccupe plus de son environnement, se contente du peu qu’elle a, croit à l’illusion du Maroc démocratique, du Maroc développé et où la majorité des citoyens(les plus démunis entre eux) voient en la monarchie l’Héro qui les sauvera, voient en le roi  la personne qui transformera leur vie. Le mouvement  se retrouve alors face à des personnes refusant n’importe quel changement venant de la rue, du peuple et sont prêts à tout faire pour protéger le symbole du Maroc qui est pour eux le roi : le roi sauveur, le roi du peuple, le roi سيدنا,  le roi commandeur des croyants.
 Le m20F est venu aussi pour dénoncer toutes les pratiques et magouilles qui se passent derrière les écrans télés : Des personnes du pouvoir avides du pouvoir, abusant des plus pauvres, épuisant les potentialités économiques et intellectuelles  du pays. Il est aussi là pour bâcler la terre à la recherche de la vérité, à la recherche de personnes qui ont osé parler et qui se sont retrouvées emmurées, il a fait apparaitre de nouveaux personnages : le roi voleur, le roi abuseur, le gouvernement puiseur. Le mouvement du 20F crie à une vie digne, libre et juste pour le peuple marocain.
Nous venons de fêter le second anniversaire du 20 février et le combat n’est pas prêt d’être terminé !

Le désespoir et la déception face aux régimes ne date pas d’hier, le gouvernement ne suit pas l’évolution des besoins du peuple.  Le 23Mars, il n’y avait pas de moyens de communication, pas d’anticipation, les cœurs ont suivi le mouvement, je ne dis pas tel un troupeau, mais j’insiste sur le fait que le peuple était solidaire, et sa voix ne formait qu’une, face au désarroi !  Ce n'était pas une révolution au sens intellectuel ou idéaliste du terme. Il s'agissait d'une révolte sociale, d’un soulèvement du peuple. Le 20 février est plutôt guidée et approuvée par une élite sociale, une élite qui a su entrevoir la répression du gouvernement, l’autorité qu’il exerce et souhaite s’en libérer.
L’histoire du Maroc est riche de militantisme, de soulèvements, de répression. Cela ne devrait pas refléter un caractère instable du Maroc, mais plutôt la citoyenneté incomparable des marocains.

                                                                   El Mossadeq, Layla

               Notre ami le roi. Gilles Perrault





Dans les Mémoires du philosophe Med Abed Jabri :

« Le défunt souverain se serait exclamé : Mais pourquoi s'en sont-ils pris à Hassan II et non à Youssef Belabès(ministre de l’éducation nationale en 65), auteur de la circulaire ? -

"Probablement, Votre Majesté, parce qu'ils savent que nul au sein du gouvernement n'est à tenir pour responsable de quoi que ce soit ! » aurait alors répondu feu Bouabid.






mercredi 21 mars 2012

Quand les notes perdent leur valeur


       Et voilà, le deuxième semestre commence annonçant le sprint final aux bacheliers la dernière ligne droite. Plus que quelques semaines pour l’épreuve nationale. Les résultats du premier semestre, pris en compte, ont été moyens ou bons pour certains et excellents pour d’autres. Merci Dieu. Merci chers profs.

     Lycéenne que je suis,je me retrouve écœurée face à une réalité d’aujourd’hui, sans réponses face à beaucoup de questions, sans compréhension devant beaucoup d’attitudes.
Parmi les élèves de nos jours au Maroc, se distinguent deux grandes catégories : ceux qui appartiennent au système public et ceux qui appartiennent au privé. Et les notes en font pour autant. Après un semestre d’acharnement, de travail sérieux, j’ai été très contente de mon résultat : un 17,85 que j’ai eu envie de crier sur tous les toits, d’accrocher sur le mur du salon... Dans ma classe d’un célèbre lycée public de Casablanca, tous avons eu de bons résultats, tous les bacheliers en général. Nous étions tous contents jusqu’à ce que s’annoncent les résultats de nos camarades des lycées privés (qui ont fui le public pour « les notes » comme ils disent) : Une élève qui a eu 10 en 1ère bac, 12 au régional, travail fainéant au cours du semestre se trouve alors avec un 17,78 de moyenne, un élève qui est toujours absent, n’a passé aucune évaluation de tout le semestre a comme moyenne 17,82 et ceux qui ont fourni à peine quelques efforts plus que lui, se retrouvent avec un 18 ou un 19. (Des exemples de mon entourage.)

Un seul mot que je peux prononcer : ABERRATION.

      Les notes n’ont-elles plus aucune valeur ? Ne sont-elles plus le fruit d’efforts fournis ? Ne sont-elles plus la récompense du sérieux ?
Les distribue-t-on ? J’ai entendu dire qu’il y a un commerce derrière tout cela. Dans plusieurs établissements privés on achète les notes.
Exemple : Monsieur X s’avance : « Je veux que mon fils ait telle note ». « Très bien monsieur X ça vous fera telle somme »Et là s’applique :" l’argent fait le bonheur". Parce que certainement Monsieur X en voyant le bulletin de son fils en sera fier et voudra le récompenser..

     Un ami qui étudie dans un lycée privé casablancais me conta : « J’ai eu 15,63 de mes propres efforts, mais lors des conseils de classe, mon père a réclamé au directeur 18 sur le bulletin sinon je quitte l’établissement. Le directeur se plia à la demande ». Et il en fut ainsi !....Une honte!
Les notes ont tellement de valeur qu’elles en perdent carrément !
Maintenant tout le monde peut avoir d’excellentes notes, il suffit d’avoir " the MONEY ".


     Qu’en est-il des enfants du peuple comme on dit en arabe ? Ils se tuent pour un 13, un 14 : des notes qui se font rares dans les rangs du privé. Même le pitre doit se montrer tous les jours en classe, faire un minimum d’efforts pour rêver d’un 9 ou un 10 alors que la présence n’est pas si obligatoire dans le privé (la sévérité change d’un lycée privé à un autre).

    On a beau nous dire qu’un bac étatique vaut plus qu’un bac privé. Mais n’empêche, la déception et le désarroi sont là !

    Je ne demanderai jamais à mes profs de me –nous- rajouter des points, non. Ce n’est pas la plus honnête des solutions et encore moins la plus raisonnable.
Je demanderai aux profs des écoles privées, à l’administration (qui souvent met pression sur ces derniers), aux parents d’arrêter ce calvaire.

     On sait tous que la moyenne du bac compte énormément lors des inscriptions dans les écoles supérieures, facultés... Alors donnons les mêmes chances à tous.
Car là, vous êtes entrain de donner des notes en l’air à des élèves qui ne méritent guère, et donc leur ouvrez les portes d’accéder à des concours et écoles( en piquant certainement la place à d’autres), de réussir sans mérite et réussir reste un mot vague. Une succession de magouilles, de triches, puis un diplôme à la main. Un job. Une vie.

    Mais quels genres de citoyens êtes-vous entrain de former ?
Cela ne fait que nous précipiter dans les ravins de la décadence. Le développement, un rêve !
Il faut les bonnes personnes aux bonnes places et que toutes soient au même pied d’égalité.
   


Écrit par Layla El Mossadeq